Torse

« Rigoureux, mathématique, soigneusement prémédité, Torse possède aussi la fraîcheur et l’audace des oeuvres de jeunesse. La pulsation du montage et la division centrale pratiquée entre les deux écrans ouvrent l’écriture chorégraphique à une dimension imprévisible, qui tient à la fois du jeu d’enfants, de la logique pure et d’une souveraine gravité. L’utilisation simultanée des deux bandes d’images côte à côte, la manière dont elles font le contrepoint l’une à l’autre par la minutie
du montage, ne relèvent à aucun moment du leurre : subtilement, la bande de droite du film souligne, développe, met en scène la matière visuelle de la bande de gauche, en réalise la métaphore.
Et vice-versa chaque écran devient ainsi la chambre d’écoute des images de l’autre.
Le pari de Charles Atlas et de Merce Cunningham de subvertir ainsi le point de vue unique et central du spectateur pour restituer dans l’espace des images de la complexité des combinaisons de la danse donne à celle-ci une autre dynamique : en 1980 Merce disait que Torse constituait la somme de ses expériences chorégraphiques. Car d’un écran à l’autre, ce ne sont pas seulement les images qui s’échangent et s’interprètent simultanément : la présence de la barre centrale entre les deux écrans pointe aussi bien l’espace de vide et de non-sens de la danse (là où rien de la danse n’est plus visible) que son incessant dépassement. ( …)
Il a fallu huit mois d’entêtement pour retrouver et faire restaurer ce film grâce à Artservice International, la Lincoln Film Library, la Cunningham Dance Foundation et La Cinémathèque de la Danse… Torse est à une lettre près l’anagramme de “trésor” ».
Patrick Bensard